L’appétit mondial pour les animaux marins ne cesse de croître et, avec lui, la construction et l’exploitation d’aquacultures qui élèvent quelque 550 espèces aquatiques dans 190 pays. Désormais, les pieuvres seront également élevées industriellement pour notre consommation – des animaux dotés d’un système nerveux sophistiqué et d’une grande sensibilité à leur environnement. L’élevage en masse de pieuvres est une menace supplémentaire immense pour l’équilibre naturel de nos océans.

L’aquaculture nuit à l’environnement

Depuis des décennies, les océans sont confrontés à de multiples menaces, dont la surpêche. Les flottes de pêche industrielle épuisent nos mers, et bien que les étals de nos poissonniers soient encore pleins, en y regardant de plus près, nous voyons des poissons provenant de lieux de plus en plus éloignés. Nous avons épuisé nos zones de pêche les plus proches et nous nous sommes déplacés vers de nouvelles zones de pêche. Mais les zones de pêche sont surexploitées et la pêche dans des lieux de plus en plus éloignés ne permettra pas de satisfaire notre demande ; c’est pourquoi nous dépensons des millions d’euros pour construire des installations d’aquaculture. L’aquaculture n’est pourtant pas une solution face à la surpêche et à la faim dans le monde.

L’aquaculture détruit l’environnement : contamination par l’azote et le phosphore par le biais des matières fécales et de la décomposition des aliments, comme dans les fermes industrielles terrestres, contamination par les engrais, les algicides (herbicides) et les désinfectants, utilisation excessive d’antibiotiques, croisement et transmission de maladies entre les poissons sauvages et les poissons échappés des cages, perte et impact sur l’habitat dans la zone d’enclos et les courants océaniques proches. L’aquaculture peut avoir un impact sur les herbiers de posidonie et les mangroves.

En outre, l’alimentation est l’un des principaux problèmes de l’aquaculture. La plupart des espèces marines élevées sont carnivores (daurade, bar, truite, saumon et crevette) et dépendent des protéines et de l’huile de poisson. En d’autres termes, l’alimentation des animaux aquatiques d’élevage exerce une pression supplémentaire sur les poissons et les invertébrés sauvages, car ils servent de farine de poisson. Environ un tiers des captures de poissons dans le monde est utilisé pour nourrir les animaux, dont la moitié environ pour l’aquaculture. Pour résoudre le problème de la surpêche, nous élevons des espèces, mais continuons à pêcher des espèces sauvages pour les nourrir. Nous ne résolvons pas le problème. Par exemple, il faut entre 4 et 5 kg de poisson pour engraisser un kilo de saumon et 20 kg pour chaque kilo de thon rouge engraissé en captivité.

Les pieuvres dans le collimateur de l’aquaculture

Actuellement, quelque 550 espèces aquatiques sont élevées et engraissées dans environ 190 pays, des espèces allant des huîtres au saumon. Avec l’augmentation actuelle de la consommation de pieuvres et de la surexploitation de l’espèce, de grands efforts sont faits pour élever des poulpes en captivité.

Une installation près des îles Canaries destinée à élever et à engraisser des pieuvres pour la consommation a suscité une vive controverse. Les avis divergent fortement en ce qui concerne l’aquaculture de pieuvres, peut-être parce que cet animal est considéré comme biologiquement supérieur aux autres espèces d’élevage en raison de son système neuronal. Ce point, ainsi que les impacts environnementaux, ont suscité la controverse. Au moment où le monde scientifique commençait à comprendre pleinement l’esprit des poulpes, l’avenir de ces animaux semble bien sombre.

Les pieuvres sont connues parmi les invertébrés pour leur comportement complexe. Elles sont capables de résoudre des problèmes, d’imiter leur environnement en changeant de couleur en quelques secondes, de déjouer les requins, d’adopter un comportement ludique et de coopérer avec les poissons pour chasser. Comme ces comportements le suggèrent, les pieuvres ont des systèmes nerveux sophistiqués et de gros cerveaux.

©Greenpeace/ Lorenzo Moscia

Pratique non écologique et non éthique

Certaines entreprises pensent que c’est le bon moment pour élever des pieuvres étant donné l’augmentation des marchés spécialisés et du prix des pieuvres, et parce qu’elles ont un taux de croissance rapide, bien que le marché soit instable en raison de la COVID-19. Cependant, personne ne semble prendre en compte les conséquences environnementales de l’élevage d’animaux marins carnivores, qui augmente la pression sur les stocks de poissons. Trois kilos de nourriture sont nécessaires pour pour engraisser une pieuvre de 1 kilo.

En outre, cette pratique est contraire à l’éthique. Les poulpes ont des systèmes cognitifs et comportementaux complexes et semblent capables d’éprouver de la douleur et de la souffrance. Il est prouvé que l’aquaculture est associée à des taux de mortalité élevés, à une agressivité accrue, à des infections parasitaires et à plusieurs problèmes du tube digestif chez les pieuvres. En outre, l’aquaculture ne fournit pas aux pieuvres l’espace dont elles ont besoin pour se déplacer et se développer de manière adéquate. L’élevage d’espèces carnivores signifie que les individus devront être isolés dans de petits récipients, sans possibilité d’enrichissement environnemental et avec un taux de bien-être extrêmement faible.

Tout comme les fermes industrielles, l’aquaculture fait partie d’un système alimentaire hautement industrialisé, non durable sur le plan environnemental et cruel envers les animaux. En tant que consommateurs, nous pouvons aligner nos valeurs sur nos choix alimentaires et agir de manière aussi responsable que possible. À cette fin, nous vous recommandons de diminuer votre consommation de poisson et, lorsque vous en mangez, d’opter pour des poissons de saison, d’examiner leur étiquette et de favoriser si possible les produits issus d’une pêche locale, artisanale et durable.