Depuis quelques jours, les médias annonçaient que pas moins de trois quarts des 780 millions de litres de pétrole répandus dans le Golfe du Mexique avaient disparus. Ce qui posait forcément la question: par quel miracle 5 millions de barils de brut auraient bien pu s’évanouir purement et simplement en l’espace de quelques semaines? Une étude américaine du Georgia Sea Grant et de l’Université de Georgia vient de faire la vérité: selon elle, 79% de la masse initiale de pétrole répandue par BP est toujours présente dans le Golfe.
« L’idée largement répandue que le pétrole qui s’est dissout dans l’eau a disparu et est inoffensif est une erreur, affirme le professeur Charles Hodkins, directeur du Georgia Sea Grant. Le pétrole est toujours là, et il risque de prendre des années à se dissoudre complètement. Nous sommes encore bien loin d’avoir évalué tous les impacts possibles de la catastrophe.»
Alors que la fuite semble avoir été colmatée et que l’attention autour de la marée noire risque de se relâcher, Greenpeace accentue son action. Pour mesurer les retombées de la catastrophe qui ravage le Golfe du Mexique, l’organisation mobilise deux de ses bateaux. Pendant trois mois, l’Arctic Sunrise va servir de base aux recherches de scientifiques américains sur les impacts de la marée noire et des dispersants chimiques sur la vie marine et sous-marine du golfe. Parallèlement, l’Esperanza a quitté Londres le 13 août pour une destination encore inconnue, bien décidé à aller dénoncer les pires projets de forages en eau profonde.
Sans nier qu’une partie du pétrole a effectivement été détruite, l’étude conduite par les experts de l’Université de Géorgie présente des chiffres bien moins optimistes que les mesures relevées jusqu’à présents, notamment par le National Incident Command (INC), qui est l’agence gouvernementale chargée d’évaluer l’étendue et les conséquences de la marée noire.
Le 2 août, l’INC a avancé par exemple que 25% du pétrole déversé dans le Golfe du Mexique s’est évaporé. Pour l’équipe de l’Université de Géorgie, c’est tout simplement impossible: seul le pétrole situé en surface peut s’évaporer, alors même qu’aujourd’hui encore de larges nappes sont toujours emprisonnées sous des masses d’eau.
Par ailleurs, une lecture rapide des données de l’INC a jusqu’à présent laissé penser que seuls 25% du pétrole se trouvaient toujours dans les eaux du Golfe. Pour les chercheurs de l’Université de Géorgie, ces fameux 25% ne représentent en réalité que le pétrole résiduel toujours présent. La plus grande partie du pétrole considérée comme évaporée, dissoute ou dispersée est en réalité toujours là, sous d’autres formes et toujours très toxique.
Selon ces chercheurs, seuls 8% ont été dispersés, 6% brulés, 4% dragués et 12% évaporés. En prenant en compte ces phénomènes, on trouve donc que près de 80% de la masse de pétrole échappée de la plateforme Deepwater Horizon est toujours présents dans le Golfe. Voilà qui rappelle, s’il en était encore besoin, l’importance cruciale d’une expertise scientifique indépendante, garantie d’une évaluation impartiale des menaces environnementales.