Les deux pires entreprises de l’année ont été désignés lors de la conférence de presse des Public Eye Awards, ce matin à Davos. Le Prix du jury a été décerné au géant états-unien GAP, qui bloque des réformes sociales efficaces pour l’industrie textile. Gazprom remporte le prix avec une solide avance sur ses adversaires. Le géant énergétique russe est dénoncé pour son bilan écologique calamiteux et ses projets en Arctique. Plus de 280’000 personnes ont pris part au vote pour élire le lauréat du Prix du public.
Gazprom, la plus grande entreprise de Russie, est la première entreprise à avoir construit une plateforme de forage permettant une exploitation commerciale du pétrole de l’Arctique. Ce projet totalement fou a été dénoncé dans le monde entier, et pour de bonnes raisons. Les conditions météorologiques, l’obscurité, la présence de la glace les 2/3 de l’année et des températures allant jusqu’à -50°C rendent les forages particulièrement risqués au-delà du cercle polaire. Le plan d’urgence de Gazprom et les technologies dépassées utilisées par l’entreprise ne suffiront par pour répondre au défi technique.
La plateforme Prirazlomnaya, installée par Gazprom en Mer de Pechora, est constituée de pièces provenant d’anciennes plateformes de la Mer du Nord, qui ont rouillé pendant des années sur un chantier naval de Mourmansk. En décembre 2011, lors de son remorquage, la plateforme Kolskaya a coulé, provoquant la mort de 53 personnes. La filiale de Gazprom chargée de son exploitation n’a jamais eu à rendre des comptes. La même année, le géant énergétique russe se rendait coupable de 872 accidents et déversements pétroliers, plus que toutes les autres compagnies pétrolières de la planète réunies.
Malgré l’effondrement du Rana Plaza, le pire accident industriel de l’histoire du Bangladesh avec plus de 1’100 morts et des milliers de blessés, le géant de la mode Gap a refusé de signer l’accord contraignant appelé « Accord sur les incendies et la sécurité des bâtiments au Bangladesh ». Au lieu de cela, la firme états-unienne bloque des réformes essentielles pour l’amélioration des conditions de travail dans le pays en faisant la promotion de son propre programme, un pseudo-accord non contraignant contrôlé par les entreprises elles-mêmes.
Les autres entreprises nominées étaient Bayer/Syngenta/BASF pour l’impact des pesticides produits par ces entreprises sur les colonies d’abeilles, la FIFA pour les conséquences sociales désastreuses du Mondial 2014 au Brésil, Eskom pour l’impact sanitaire et environnemental des centrales à charbon exploitées par le groupe en Afrique du Sud, Marine Harvest pour la destruction de l’écosystème entraîné par ses élevages de saumons au Chili, HSBC pour ses liens avec des entreprises actives dans le domaine de l’huile de palme et responsables de déforestations et Glencore/Xstrata pour les pollutions du sol et des eaux, les déplacements forcés de population, les intimidations et la corruption observée dans ses mines en Amérique latine.
« Nous devons nous assurer que notre modèle économique corresponde à notre système de valeurs et éviter que celui-ci nous soit dicté par le marché. Les Public Eye Awards nous rappellent notre moralité perdue », a déclaré Tomáš Sedláček, économiste vedette en République tchèque et principal intervenant lors de la conférence de presse de ce matin.
Lorsque nous avons repéré le Directeur de la stratégie de Gazprom, Sergei Vakulenko, dans un bar à Davos, nous avons sauté sur l’occasion pour lui remettre son trophée. Malheureusement il n’a pas semblé apprécié notre présence à ses côtés…