Le conseiller fédéral Albert Rösti a rouvert la porte à la construction de nouvelles centrales nucléaires en Suisse. Dans quelques mois, le Parlement se penchera sur ce sujet. Un rapport qui circule actuellement à Berne, censé servir de base à cette discussion, est non seulement biaisé mais également incomplet. Il a en outre été rédigé par des auteurs ayant des conflits d’intérêts. Greenpeace a déposé une plainte à ce sujet.

En 2017, le peuple suisse s’est clairement prononcé contre la construction de nouvelles centrales nucléaires dans le pays. Pourtant, le Conseil fédéral envisage déjà de remettre en cause cette décision populaire. Il bénéficie du soutien du lobby nucléaire, qui a déposé en début d’année une initiative visant à lever l’interdiction de construire de nouvelles centrales. Bien que le Conseil fédéral rejette cette initiative pro-nucléaire, appelée de manière trompeuse «Stop au blackout», il propose un contre-projet indirect qui viserait à supprimer l’interdiction actuelle.

Un élément clé de ce contre-projet et des discussions à venir au Parlement est le rapport «Technology Monitoring of Nuclear Energy» de l’Office fédéral de l’énergie, publié cet été. Ce rapport s’inscrit dans le cadre du «monitoring technologique de l’énergie nucléaire», une obligation légale imposant aux autorités de tenir régulièrement le public informé de l’état de l’énergie nucléaire et de ses évolutions. Greenpeace Suisse a récemment déposé une plainte à l’autorité de surveillance contre cette forme de monitoring.

Des auteurs en conflit d’intérêts avec les exploitants nucléaires

Le rapport «Technology Monitoring of Nuclear Energy» est imprécis et incomplet. Il minimise la situation globale liée à l’énergie nucléaire. Ce document de plus de 260 pages ne mentionne par exemple à aucun moment la situation extrêmement critique de la centrale nucléaire de Zaporijjia, en Ukraine, occupée par la Russie au mépris des normes de sécurité internationales. Comme l’a reconnu le conseiller fédéral Albert Rösti en réponse à une question parlementaire, le rapport n’a pas fait l’objet d’une révision qualitative.

En outre, ce rapport a été rédigé par des auteurs avec un conflit d’intérêts. Deux des contributeurs travaillent directement avec Axpo, l’exploitant de la centrale nucléaire de Beznau et un partenaire des centrales nucléaires de Leibstadt et de Gösgen.

Le rapport doit être retiré

Ce rapport ne répond en aucun cas aux exigences d’un monitoring objectif et complet, ce qui est particulièrement problématique. En effet, ce texte est essentiel pour le débat actuel sur le nucléaire, et de nombreuses personnes, y compris des experts, des membres de l’administration fédérale et du Conseil fédéral, s’appuient sur ce document. Dans sa forme actuelle, ce rapport fausse donc gravement la discussion sur l’avenir du nucléaire en Suisse.

Nous exigeons le retrait immédiat du rapport «Technology Monitoring of Nuclear Energy». Les faits présentés doivent être réévalués de manière indépendante. Le monitoring technologique doit être rédigé par des auteurs impartiaux et un comité d’experts indépendants doit en assurer la qualité et l’équilibre.

Nos revendications sont d’autant plus cruciales que la population suisse pourrait bientôt être appelée à se prononcer à nouveau sur le sujet. Si le Parlement soutient les projets dangereux et inutiles du Conseil fédéral, Greenpeace et d’autres organisations lanceront un référendum. Une nouvelle votation populaire pourrait alors avoir lieu.

Nous nous opposons fermement à un retour de l’énergie nucléaire. Le nucléaire n’a pas d’avenir. Plutôt que de gaspiller du temps et de l’argent dans une technologie obsolète, le Conseil fédéral devrait s’assurer que le développement des énergies renouvelables progresse rapidement dans notre pays. C’est la meilleure solution pour garantir la sécurité de notre approvisionnement énergétique.