Montée des mouvements et des idées populistes, diffusion de fake news, stigmatisation de certaines communautés, multiplication des régimes autocratiques… Depuis quelques années les signes inquiétants pour la démocratie se multiplient, tant au niveau mondial qu’en Europe et en Suisse.
Les récentes révélations sur les plans secrets visant à expulser des millions de personnes d’Allemagne en raison de leur origine en sont un exemple particulièrement spectaculaire, qui met en lumière le fait que la démocratie ne va pas de soi et que nous devons la protéger. Dans un régime démocratique, une attaque contre un groupe de la population est une attaque contre tous les groupes et toutes les communautés.
Que pouvons-nous faire pour renforcer la démocratie et la cohésion de la société dans laquelle nous vivons? Suite à l’électrochoc et à la mobilisation observée en Allemagne contre l’extrême droite, nos collègues de Greenpeace Allemagne proposent 10 conseils également pertinents pour la Suisse.
1 Promouvoir des valeurs positives
Certains expert·es soulignent que notre propre attitude est l’instrument le plus important pour défendre les valeurs démocratiques: il est plus efficace de défendre notre vision de la société et le mode de vie que nous souhaitons pour toutes et tous que de vouloir contredire les arguments extrémistes venus notamment des mouvements populistes. C’est dans la défense de nos valeurs qu’il faut se montrer offensif.
2 Ne pas laisser des propos hostiles sans réponse
Dans la file d’attente du supermarché, au sein du club sportif ou lors d’une réunion familiale, quelqu’un fait soudain une remarque dévalorisante sur les personnes issues de l’immigration, en situation de handicap, sur certaines communautés religieuses ou envers des personnes LGBTQIA2S+. Sans réaction, la personne qui tient ces propos peut se sentir renforcée dans ses convictions. Il est de fait important de réagir. Ce qui compte, c’est de montrer clairement que ces déclarations ne sont pas « normales », mais discriminatoires. Il n’est donc pas nécessaire d’être un expert.
3 Savoir faire preuve de nuance
Utiliser des modes de pensée binaire, où tout est soit noir soit blanc, fait partie des rhétoriques utilisées par les mouvements populistes et anti-démocratiques pour simplifier à l’extrème le propos et exclure l’expression de pensées alternatives. La force de la démocratie réside dans sa capacité à trouver des compromis entre des positions qui semblent incompatibles et de générer des solutions qui reflètent la grande complexité des enjeux économiques et sociaux de nos pays. Critiquer de manière générale « ceux d’en haut » en les qualifiant de « tous corrompus » ne rend pas justice aux défis souvent complexes et renforce plutôt les forces antidémocratiques.
4 Se rendre visible
Participons à des manifestations, à des sit-ins, à des débats ou signons des pétitions, des référendums et des initiatives. Les manifestations sont l’un des instruments les plus importants pour exprimer son opinion. Elles sont le reflet des opinions au sein de la population. Elles sont visibles par tous les acteurs du système politique. Plus les manifestations et les événements publics en faveur des valeurs démocratiques sont visibles, plus il est plus difficile pour des forces anti-démocratiques et populistes de prétendre refléter l’opinion générale.
5 Rester respectueux
Chez Greenpeace, nous nous engageons à protéger notre planète et tous ses habitants·es en n’hésitant pas à aller jusqu’à la confrontation. Toutefois, nous respectons toujours le principe de non-violence et mettons un point d’honneur à rester pacifiques dans notre attitude et notre langage, même envers les entreprises ou les personnes que nous dénonçons. Cela s’applique à tous les membres de la population. Donner aux gens le sentiment que leur manière de vivre a moins de valeur renforce les forces antidémocratiques qui ciblent délibérément certaines personnes et communautés.
6 Lutter contre les fake news
Les forces antidémocratiques s’appuient souvent sur la diffusion de fausses informations. Les réseaux sociaux sont ainsi devenus leur terrain de jeu privilégié. Avec des fake news, souvent des images ou des vidéos, ils stigmatisent certaines personnes ou certaines communautés au sein de la population. Il est important de remettre en question l’origine de telles « fake news » et de renvoyer à des sources fiables. Il est ainsi possible d’atteindre un grand nombre de personnes et de faire reculer la désinformation. De nombreux médias et sites Internet se spécialisent dans le fact-checking et la lutte contre les fake news.
7 L’union fait la force
Des personnes très différentes vivent ensemble au sein de notre société. Toutes ont une histoire qui leur est propre et un grand nombre d’entre elles sont discriminées. C’est seulement ensemble que nous pourrons surmonter ces difficultés. Les attaques contre le vivre-ensemble touchent tout le monde car nous sommes tous et toutes susceptibles de ne pas correspondre aux visions du monde de tel ou tel mouvement antidémocratique. La solidarité, la capacité à se remettre en question et à surmonter nos propres préjugés et biais inconscients sont essentiels pour garantir les droits fondamentaux de chacun et ainsi la bonne marche de la démocratie.
8 Voter!
« Voter ne change rien ! », “Tous pourris!”, etc.. voici des opinions que l’on entend trop souvent. Pourtant les décisions prises dans les démocraties sont dépendantes de la représentation politique des différentes forces en présence. Les outils de la démocratie directe permettent de bloquer certaines décisions politiques contre- productives ou de faire avancer des projets et des idées importantes pour la population. Le suffrage universel est une grande réalisation démocratique que l’on tient trop souvent pour acquise. Nous avons tout à gagner à en profiter, surtout dans les périodes où la démocratie est mise au défi. En 2023, la mobilisation des citoyens a permis de faire passer la rampe à la loi climat. En 2024, nous attendons d’autres votations, notamment sur la loi sur l’électricité et sur l’extension des autoroutes. Voter et faire voter la Suisse sur ces enjeux permet de faire avancer la protection du climat et de la biodiversité. Mobilisons-nous!
9 Se souvenir du passé
Connaître notre passé permet de mieux comprendre le présent et de préparer le futur. En Suisse, les acquis démocratiques et l’égalité ne sont pas si anciens et sont le résultat de longues luttes. Dans l’histoire récente de l’Europe, les populations de nombreux pays ont dû subir les conséquences dévastatrices des politiques menées par des gouvernements autoritaires coupables de persécutions et de crimes contre l’humanité. Certaines forces antidémocratiques tentent d’affaiblir ou de déformer ces souvenirs. Les commémorations, les événements et les témoignages de personnes ayant vécu ces époques aident à ce que les générations suivantes comprennent comment elles ont pu se produire et quelles en ont été les conséquences.
10 Ne pas se résigner
Ne baissons pas les bras ! L’abondance des crises actuelles peut éroder la confiance dans l’avenir et donner l’impression d’être impuissant. Cependant, les changements positifs sont toujours possibles et surviennent parfois de manière inattendue. Le fait de s’engager et d’être actif est le meilleur remède contre le désespoir et la résignation. Le récent exemple de l’Allemagne, où des centaines de milliers de personnes se sont spontanément rassemblées dans les villes pour défendre la démocratie, démontre que la majorité de la population soutient les valeurs humaines fondamentales et est prête à les défendre. Notre mobilisation et notre engagement sont cruciaux pour nos droits démocratiques.