Greenpeace Suisse publie ce jour une analyse des principales stratégies de communication publicitaires pour la viande, les produits laitiers et les œufs. Le constat est sans appel : des techniques manipulatoires sont utilisées pour légitimer et accroître la consommation de produits d’origine animale, sans distinction entre les produits respectueux de l’environnement et ceux issus de l’élevage intensif. Cette promotion, financée en partie avec l’argent des contribuables, n’est pas cohérente avec la crise climatique et l’extinction de masse des espèces. Greenpeace Suisse demande donc non seulement l’interdiction des publicités financées par les impôts, mais aussi des publicités du commerce de détail pour tout aliment d’origine animale. Le public est invité à soutenir ces demandes en signant la pétition

Le rapport « De la manipulation publicitaire à nos assiettes : une étude suisse sur la publicité des produits d’origine animale » publié ce jour par Greenpeace Suisse présente les résultats d’une analyse sémiologique menée sur 600 publicités pour des produits d’origine animale (viande, produits laitiers, œufs) diffusées en Suisse entre 2018 et 2021. Les chercheurs se sont intéressés à la fois aux annonces des distributeurs (Coop, Migros, Aldi, Lidl) et à celles du système de promotion des ventes financées par de l’argent public (Pro Viande, Swiss Milk, Switzerland Cheese Marketing, GalloSuisse, SPRA).

Six grandes tendances se dégagent des publicités étudiées: le prétendu respect pour l’environnement, la mise en avant de traditions ancestrales, la spécificité de l’identité suisse, les stéréotypes, les valeurs individuelles et collectives.

Les principales stratégies de communication 

Au sein de cet imaginaire fictif construit par les annonceurs pour leurs publicités manipulatrices, le groupe de recherche a relevé les principales stratégies argumentatives utilisées pour inciter le public à consommer davantage de produits d’origine animale.

  • Utiliser des procédés cinématographiques en créant des spots publicitaires sous forme de série, établissant ainsi une relation familière, voire de dépendance, avec le spectateur-consommateur. 
  • Dévier l’attention pour faire oublier les enjeux, par exemple grâce à des ellipses narratives qui permettent de passer du pâturage à l’assiette (en occultant la traite des vaches ou l’abattage). L’objectif : faire oublier l’origine des produits, leur processus de fabrication ainsi que les enjeux philosophiques, culturels et écologiques. Il s’agit de ne pas parler explicitement du produit mais de valoriser des prix attractifs, des moments conviviaux ou le sentiment d’appartenance.
  • Recourir à l’humour pour détourner l’attention du public des questions soulevées par les processus de transformation des produits et rendre risibles les enjeux environnementaux.
  • Utiliser des arguments d’autorité, en incitant à prendre les énoncés pour vérité, qui n’ont pas besoin d’explication. En réduisant au silence toute argumentation, les annonceurs rendent ainsi le questionnement et l’esprit critique plus difficiles.
  • Recourir à des stéréotypes (hommes virils et femmes végétariennes par exemple), des symboles identitaires et des valeurs qui visent à normaliser la consommation de produits d’origine animale en les associant aux groupes présentés comme socialement attractifs  dans les publicités.
  • Mettre en place une confusion des mondes (« filet de légume » par exemple) : en brouillant délibérément les rapports et les différences entre espèces, le public est incité à croire que les animaux sont traités à l’égal des humains, alors qu’en réalité la publicité favorise un système anthropocentré. Ces stratagèmes font croire que les commanditaires des publicités prennent particulièrement soin du monde vivant, alors qu’en réalité ils renforcent la position de supériorité des humains sur la nature. 
  • Créer un univers fictif, parfois inspiré de mythes (le symbole du feu, etc.) et enraciné dans une pseudo-histoire lointaine qui invisibilise la domination des humains sur les animaux et ses conséquences négatives.

La publicité (qui vise à provoquer une action ou un comportement) n’est pas nécessairement manipulatoire, mais elle le devient lorsqu’elle ne révèle pas son projet et le maquille sous une autre forme. « Nous pensons être libres de nos décisions nos achats, alors qu’en réalité notre rapport montre comment les entreprises utilisent des techniques rhétoriques douteuses pour influencer nos habitudes de consommation » constate Alexandra Gavilano, responsable de projet système alimentaire pour Greenpeace Suisse. 

Caractéristiques communes à toutes les publicités 

Nombreuses sont les références implicites aux préoccupations écologiques ou animales afin de les contrer, voire de les tourner à l’avantage de l’annonceur (consommer du lait ou de la viande suisse, c’est protéger la nature). Cette stratégie publicitaire est basée sur une forme de raisonnement dans laquelle le syllogisme est réduit à deux termes (la prémisse et la conclusion). On constate ainsi une ellipse des éléments dérangeants (par exemple, l’abattage).

Spécificités par type de produit

Dans la publicité pour de la viande, les animaux sont rarement présents à l’écran ; lorsque c’est le cas, ils sont désignés en tant que «produit». Les étapes de production de la viande ne sont pratiquement jamais montrées. Inversement, la publicité pour les produits laitiers, comme le fromage et le beurre, montre souvent des animaux vivants dans une campagne idéalisée faite de grands espaces et d’une nature verdoyante. Quant à la publicité pour les œufs, elle met en exergue l’aliment lui-même, sa polyvalence, sans image aucune de poule ni de leur condition d’élevage.

Caractéristiques communes aux commerces de détail et leur spécificité 

La publicité des distributeurs se concentre sur les grillades, une pratique alimentaire présentée comme ancestrale et conviviale. La viande reste généralement présentée comme l’élément principal du repas, et surtout comme la nourriture normale et la plus populaire. La grande majorité des annonces met en avant les prix, sans aucune revendication explicite à propos du produit, son origine, les animaux ou les processus de production. Les stéréotypes demeurent très présents. 

Coop et Migros ont des styles publicitaires assez similaires dans certaines de leurs séries publicitaires. En mettant l’accent sur des moments de détente en famille ou entre amis, ils semblent vouloir représenter l’ensemble de la population suisse, sans réussir cependant à éviter les stéréotypes de genre, de valeurs et de traditions suisses. Ce type de publicité dévie l’attention du produit vers le consommateur, ses habitudes, son style de vie. De leur côté, Aldi et Lidl mettent en avant presque exclusivement les réductions de prix (dans plus de 90% de leurs vidéos). Les animaux, leur origine et leur environnement n’y sont jamais montrés. Il apparaît que plus l’attention est détournée du produit, plus sa qualité et sa production sont douteuses.

La publicité encourage les habitudes alimentaires néfastes pour l’environnement

C’est une erreur de penser que le système alimentaire suisse joue un  rôle négligeable dans la crise climatique et la destruction à l’échelle mondiale des écosystèmes. La surconsommation de produits d’origine animale contribue au réchauffement climatique, à la déforestation et à la pollution « La promotion de produits d’origine animale n’est pas donc cohérente avec la crise climatique et celle de la biodiversité. Pas plus qu’avec la notion de justice alimentaire qui demande une répartition équitable et durable des ressources. Nous devons réduire notre consommation d’aliments d’origine animale et c’est le rôle que devrait jouer la publicité, en particulier celle financée par les impôts, qui coûte près de CHF 40 millions par an aux contribuables ces dernières années. Les détaillants ont aussi un rôle à jouer et tant que leur pouvoir de marché reste important, il faut réglementer de manière plus stricte les pratiques commerciales qui influencent les modes de consommation. Si les détaillants doivent adapter leur stratégie de marketing pour amener leur clientèle à consommer de manière plus durable, leurs fournisseurs pourront alors adapter leur mode de production. Au lieu de cela, non seulement la publicité normalise la consommation, mais elle donne aussi au consommateur le sentiment qu’en choisissant des produits suisses, il fait un geste écologique. Alors qu’en vérité ce mode de consommation nuit à notre planète » explique Alexandra Gavilano. 

Matériel complémentaire

Rapport De la manipulation publicitaire à nos assiettes : une étude suisse sur la publicité des produits d’origine animale

Pétition Pour une interdiction de la publicité des aliments d’origine animale 

Contacts

Alexandra Gavilano, responsable de projet système alimentaire pour Greenpeace Suisse, +41 44 447 41 38, [email protected]

Fanny Eternod, porte-parole consommation pour Greenpeace Suisse +41 78 662 07 31, [email protected]