La consultation sur le contre-projet à l’initiative pour de nouvelles centrales nucléaires “Stop au Blackout” bat son plein. Greenpeace Suisse révèle aujourd’hui que le rapport explicatif du DETEC sur cet objet est truffé d’omissions et d’imprécisions qui permettent d’enjoliver le potentiel que représente l’énergie nucléaire pour la Suisse. Greenpeace revient sur les points les plus problématiques du rapport explicatif dans une nouvelle publication et exige des bases plus saines pour ce débat.
Le rapport explicatif relatif au contre-projet indirect publié le 20 décembre dernier par le Département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication (DETEC) doit expliquer pourquoi le Conseil fédéral a décidé de lancer un contre-projet indirect à l’initiative lancée par les milieux pro-atome et de revenir en arrière sur la sortie du nucléaire. Le texte présente une version optimiste des perspectives pour l’énergie nucléaire en Suisse, notamment sur les coûts, les durées de construction des réacteurs, les technologies en développement ou en sous-estimant systématiquement le potentiel des énergies renouvelables. Certaines études particulièrement pertinentes publiées par des institutions de renommée internationale y sont simplement ignorées.
Dans le rapport explicatif, le Conseil fédéral estime par exemple que le coût de revient du nucléaire oscillera à l’avenir entre 7 et 12 centimes par kilowattheure en Suisse. Pourtant, pour les réacteurs en construction de Hinkley Point au Royaume-Uni, ou ceux de Vogtle aux Etats-Unis, ce coût est actuellement estimé à plus de 17 centimes par kWh. Une récente analyse du groupe de conseil financier et de gestion d’actifs américain Lazard estime ce coût entre 12,5 et 20 centimes par kWh. Il n’existe aucun argument qui permet de penser que ces coûts seront plus réduits en Suisse. En conséquence, ces coûts étant supérieurs aux prix de l’électricité sur le marché, la compétitivité des centrales nucléaires est impossible à garantir.
Le Conseil fédéral estime aussi que la durée de construction des réacteurs nucléaires oscille entre 7 et 8 ans. Pourtant, les projets les plus récents en Europe prennent nettement plus de temps. La construction des EPR d’Olkiluoto en Finlande et de Flamanville en France a pris respectivement 16 et 17 ans. La construction des deux EPR de Hinkley Point prendra au moins entre 11 et 13 ans, celle des réacteurs AP1000 de Vogtle 3 et 4 aux Etats-Unis a pris une quinzaine d’années.
Le rapport explicatif contient plusieurs autres arguments problématiques, notamment sur le potentiel des énergies renouvelables, le nombre de centrales nucléaires en construction ou le véritable potentiel de technologies en développement en premier lieu desquels les Small Modular Reactors. Les principaux points problématiques sont commentés par Greenpeace Suisse dans un document rendu public aujourd’hui.
“Le problème, c’est que le rapport explicatif a pris comme argent comptant les conclusions du Technology Monitoring of Nuclear Energy”, déclare Nathan Solothurnmann, expert des questions énergétiques pour Greenpeace Suisse. “Ce Monitoring contient de nombreuses omissions et imprécisions. À tel point que sa probité scientifique est très discutable, d’autant plus qu’il n’a pas fait l’objet d’une analyse qualitative et qu’il a été rédigé par des auteurs avec un conflit d’intérêts. Une situation que nous avions dénoncée en septembre 2024 avec une plainte de surveillance auprès du Conseil fédéral. Cette plainte a été rejetée par le DETEC sans qu’aucune de nos critiques sur le fond soit abordée dans la réponse. Suite à cette réaction, on peut se demander si le département d’Albert Rösti est vraiment concerné par les faits.”
“Les résultats de la votation de 2017 sur la sortie du nucléaire et celle de 2024 sur la loi sur l’électricité démontrent que la majorité des Suisses appelle de ses vœux une transition hors du nucléaire et vers les énergies renouvelables », conclut Nathan Solothurnmann. « Avec ce rapport explicatif il apparaît clairement que le DETEC ne prend pas la mesure du mandat qu’il a reçu de la population. Au regard de l’importance du débat sur notre futur énergétique, il est primordial qu’il puisse se faire sur des bases factuelles plus saines. Les documents mis à la disposition du public doivent avoir un propos impartial et équilibré construit sur des informations de qualité et produits par des auteurs indépendants.”
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Commentaires sur le rapport explicatif relatif au contre-projet indirect à l’initiative « Stop au blackout », Greenpeace Suisse, mars 2025
Contact
Nathan Solothurnmann, expert des questions énergétiques, Greenpeace Suisse, +41 76 514 90 48, nathan.solothurnmann@greenpeace.org
Mathias Schlegel, porte-parole, Greenpeace Suisse, +41 79 794 61 23, mathias.schlegel@greenpeace.org