Communiqué commun du WWF Suisse, Pro Natura, BirdLife Suisse et Greenpeace Suisse
Aujourd’hui, le Conseil des États a suivi le Conseil national et a enterré la mesure des 3,5% de surface de promotion de la biodiversité (SPB) sur les terres arables. La Suisse se prive ainsi de la mesure la plus importante pour lutter contre les pertes d’éléments nutritifs et l’utilisation des pesticides dans l’agriculture. Comme la politique ignore la disparition des espèces, un oui du peuple à l’initiative pour la biodiversité est nécessaire afin de corriger le tir.
- Le Parlement ne tient pas sa promesse faite au peuple en amont de la votation sur l’initiative pour l’eau potable et contre les pesticides. Cette violation du principe de la bonne foi affaiblit la confiance dans la politique.
- Compte tenu de l’état dramatique de la biodiversité, nous n’avons plus le temps de tergiverser et de débattre davantage. Si le Parlement veut atteindre l’objectif de réduction des pesticides et des pertes de nutriments autrement qu’avec les 3,5% de SPB, d’autres solutions doivent sans plus attendre être trouvées afin que des mesures efficaces puissent être mises en œuvre.
- La biodiversité forme la base de la production agricole. Elle est pourtant gravement menacée sur les terres cultivées. Selon des études scientifiques, une part d’au moins 5% de SPB serait nécessaire pour la préserver. Actuellement, elle n’est toutefois que de 1%.
- La décision prise aujourd’hui est diamétralement opposée au fait que, par le passé, le Parlement a confirmé à plusieurs reprises cette mesure. Elle va aussi à l’encontre de la volonté de s’engager en faveur de la biodiversité qu’avait annoncé le monde agricole. L’initiative biodiversité n’en est que plus nécessaire: l’agriculture ne doit pas sauver la biodiversité à elle seule, mais elle doit certainement contribuer à son sauvetage.
Citations:
Eva Goldmann, experte en agriculture au WWF Suisse:
«La décision montre que le Parlement n’est pour le moment pas prêt à soutenir les agricultrices et agriculteurs suisses innovants dans la mise en œuvre de méthodes de production respectueuses de l’environnement.»
Marcel Liner, responsable de l’agriculture, Pro Natura:
«Il n’y a pas que les lièvres, les abeilles sauvages et les coccinelles qui, en Suisse, dépendent d’habitats disponibles sur les terres cultivées. De nombreuses autres espèces animales et végétales sont aussi dans ce cas. La sécurité alimentaire profite d’une amélioration de la situation grâce au travail de pollinisation des insectes et à une meilleure fertilité des sols.»
Jonas Schälle, chef de projet Agriculture, BirdLife Suisse:
«En supprimant cette mesure, le Parlement ignore qu’il est urgent d’agir dans le domaine de la biodiversité sur les terres cultivées. Il s’agit désormais de stopper, par tous les moyens, la disparition des insectes, qui se poursuit, et d’œuvrer ensemble en faveur de la nature et d’une agriculture porteuse d’avenir.»
Barbara Wegmann, experte consommation, Greenpeace Suisse:
«La biodiversité n’est pas «nice to have». La prestation de pollinisation des insectes, la lutte contre les nuisibles par les organismes utiles ainsi que la diversité des organismes vivant dans les sols, gage du maintien de leur fertilité, sont décisifs pour garantir les rendements et donc, la sécurité de l’approvisionnement.»
L’agriculture suisse doit réduire les pertes d’éléments nutritifs et les risques de l’utilisation des pesticides d’ici 2027. Dans le cas des pesticides, la réduction doit être de 50%. Il s’agit d’une exigence légale. La mesure la plus importante pour atteindre ce but prévoyait qu’à l’avenir, les agricultrices et agriculteurs consacrent 3,5% (au lieu de seulement 1% jusqu’à présent) aux SPB sur leurs terres cultivées.
Au cours de la dernière législature, cette mesure a déjà été confirmée à plusieurs reprises. Le nouveau Parlement a maintenant plié sous la pression et enterré les 3,5% de SPB. Le compromis en faveur de la réduction des risques liés à l’utilisation des pesticides et aux pertes d’éléments nutritifs, qui jouissait d’un large soutien, est ainsi définitivement rayé de la carte. Les jalons de sa mise en œuvre étaient pourtant déjà posés.
Les agricultrices et agriculteurs progressistes paient les pots cassés
Encore en décembre, la mesure avait été ajournée d’une année supplémentaire à la suite de l’adoption de la mo. Friedli. L’administration avait alors été chargée d’étudier la possibilité de la concevoir de manière pragmatique. En novembre dernier, l’Union suisse des paysans indiquait elle aussi vouloir simplement «optimiser les mesures d’application». Depuis le début de l’année, toute une palette de représentants des milieux agricoles (dont IP Suisse et Bio Suisse), d’organisations de protection de la nature et de l’environnement, des cantons et des villes ont été entendus à ce sujet. Personne n’a exprimé de doutes sur la possibilité de mettre en œuvre la mesure ni sur sa nécessité. Les agriculteurs concernés se sont préparés à l’appliquer et ce sont aussi eux qui en auraient finalement profité dans le cadre d’une production agricole durable. La décision du Parlement heurte précisément celles et ceux qui s’engagent pour une agriculture progressiste et porteuse d’avenir.
Un nombre suffisant d’insectes pollinisateurs et d’organismes utiles assurent les rendements
Les 3,5% de SPB ne seraient pas seulement une étape importante pour réduire les risques liés à l’utilisation des pesticides et à la perte de nutriments, mais ils contribueraient également à ralentir la disparition des espèces dans nos champs. En Suisse, la biodiversité se porte très mal, particulièrement sur les terres cultivées. La présence d’un plus grand nombre d’espèces animales et végétales soutient directement les exploitations agricoles dans leur travail de production: elle encourage les insectes pollinisateurs et permet de réduire l’utilisation des pesticides en assurant la présence d’organismes utiles. Pour les exploitations, il s’agit d’un cercle vertueux. La conclusion de l’étude la plus récente d’Agroscope est la suivante: «Il est essentiel, tant pour l’agriculture que pour la conservation de la biodiversité, de ménager et d’encourager les communautés d’insectes pollinisateurs en optimisant l’exploitation et en prenant des mesures ciblées, à l’image des surfaces de promotion de la biodiversité.»
Contacts
Pro Natura: Nicolas Wüthrich, responsable de l’information, 079 212 52 54, [email protected]
WWF Suisse: Pierrette Rey, porte-parole, 021 966 73 75, [email protected]
Birdlife Suisse: Jonas Schälle, chef de projet agriculture, [email protected], 044 457 70 26 (répond en allemand)
Greenpeace Suisse: service de presse, 044 447 41 11, [email protected]