Suite à l’arrêt du réacteur de la centrale de Tomari pour des travaux de maintenance le 5 mai dernier, le pays se retrouve sans électricité d’origine nucléaire pour la première fois depuis 1966. Le Japon saura-t-il saisir cette occasion historique de réaliser la transition énergétique?
Avec les 54 réacteurs civils du pays à l‘arrêt, l’heure est venue pour le gouvernement d’apprendre de ses erreurs et de préparer l’avenir. Il se doit d’écouter sa population et les scientifiques qui exigent la sortie du nucléaire et ouvrir la voie pour le développement des énergies renouvelables. C’est une opportunité unique de marquer l’histoire.
Depuis le Tsunami du 11 mars 2011 et le début de la catastrophe de Fukushima, le Japon a prouvé qu’il était possible de se passer du nucléaire rapidement, sans modifier les habitudes de la population. Le ministère de l’économie, du commerce et de l’industrie a d’ores et déjà annoncé qu’il n’y aurait pas de restrictions, ni de blackouts programmés. Tepco, le plus grand producteur d’électricité privé du pays et exploitant de la centrale accidentée de Fukushima Daiichi a confirmé cette annonce: L’entreprise devrait maintenir l’approvisionnement en électricité dans les semaines qui viennent.
Si pénurie il y a, elle sera de la responsabilité du gouvernement. Plutôt que d’investir dans le développement des renouvelables et de développer des solutions pour la conservation de l’énergie, la seule obsession des autorités est de redémarrer le plus rapidement possible les réacteurs du pays. Et ce, alors que les évènements des derniers mois ont clairement démontré l’incapacité de la filière à en assurer la sécurité. Les installations nucléaires japonaises ne sont pas en état de subir un autre séisme de l’ampleur de celui de mars 2011. Les experts ont pourtant la certitude qu’un tel évènement se reproduira dans le futur.
La perspective de voir le Japon tourner le dos au nucléaire terrifie les industriels du secteur. Voir ce pays se débarrasser définitivement d’une filière dangereuse pour la population et l’environnement encouragerait probablement d’autres États à faire de même.
La Suisse, l’Allemagne, la Belgique et l’Italie l’ont d’ailleurs fait. Les résultats d’Areva, le géant du nucléaire français, au premier trimestre de 2012 abondent aussi dans ce sens. Après les évènements de Fukushima, les annulations de commandes ont coûté plus de 600 millions d’euros à l’entreprise. Les revenus de son département « réacteurs et services » ont progressé de 5.8% alors que ceux des énergies renouvelables augmentaient de 198%. Les craintes de l’industrie sont d’autant plus justifiées que Fukushima ne fait qu’accélérer le déclin continu du secteur. L’action d’Areva a plongé de 50% depuis mars 2011, mais sa chute est de 75% depuis 2007.
Selon les projections de Greenpeace, le Japon pourrait garder ses réacteurs à l’arrêt et tout de même réussir à atteindre ses objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre pour 2020. Pour cela le pays doit rapidement changer d’orientation et élaborer un plan d’action permettant de développer les nouvelles énergies renouvelables à grande échelle, d’améliorer l’efficience énergétique et de maîtriser la demande.
Le Japon est face à son avenir. Il peut choisir de retourner en arrière en prolongeant l’option nucléaire, ou il peut aller de l’avant et développer les solutions énergétiques du futur. Il est vrai que faire le pari de la transition énergétique demande du courage. Mais au regard de son attitude exemplaire suite au séisme de mars 2011, le peuple japonais a largement démontré qu’il en avait.